L'apprentissage du code de la route au lycée est donc sur le devant de la scène depuis que le conseil général de Poitou-Charentes a annoncé sa volonté de mettre en place la mesure à partir de janvier 2013, sans en dévoiler les détails pratiques. L'annonce a d'ailleurs fait beaucoup de bruit non pas en raison de sa portée, mais plutôt de la surface médiatique de son auteur et alors même qu'elle trouve son origine sous l'ancienne majorité. Du coup, les clivages s'organisent non pas autour de la pertinence de l'idée, mais sur des postures idéologiques, politiques et finalement entre secteurs privé et public. En prenant un peu de hauteur par rapport aux débats, l'apprentissage du Code de la route à l'école n'est pas une mauvaise idée, c'est d'ailleurs le modèle américain, mais le Code de la route des États-Unis est bien loin de l'usine à gaz française obsolète et surtout qui impose son système de pensée propre et des connaissances vides de sens. La première vérité est que le Code de la route en France est un vieux pépère au bord de la retraite qui a déjà emmerdé des générations de candidats à la conduite à la manière d'un « caporal ». Le nationaliser, car c'est l'idée en le faisant passer de l'auto-école à l'école, ne changera rien, si ce n'est de rajouter encore des complications imposées par une indispensable période de transition. Ceux qui prônent ce déménagement ne le savent pas, mais le Code de la route a besoin d'être réformé avec tout l'apprentissage de la conduite en France, le PNF (Programme National de Formation) devant laisser sa place au REMC (Référentiel d'Éducation pour une Mobilité Citoyenne) qui cafouille dans les ministères depuis 2010. Le code demande donc avant tout une mise à jour en conformité avec les pratiques modernes de conduite avant d'en réformer son canal d'apprentissage.
Un permis moins cher ?
En attendant, faire baisser le coût d'un permis de conduire en nationalisant la formation du code reste illusoire, tout simplement parce que ce qui coûte cher dans un permis c'est de faire rouler une voiture et de payer un moniteur. La salle de code reste comparativement abordable. Il faut aussi reconnaître que les auto-écoles, en tout cas une très grande majorité d'entre elles, ont commis une grosse erreur en déléguant depuis une bonne décennie l'apprentissage du code uniquement à des supports multimédias, DVD en tête. Outre le fait que le code soit compliqué, il est généralement impersonnel dans son apprentissage et les autos-écoles ont d'une certaine manière perdu une partie de leur légitimité sur le sujet. Maintenant, est-ce que l’Éducation Nationale est plus à même de délivrer cet enseignement et avant tout en a l'envie ? Dans l'immédiat assurément non, et c'est un gros chantier, compte tenu du rythme de l'administration, qui demande à vue de nez au moins 5 ans. Enfin, il ne faut pas oublier que l'apprentissage du Code existe déjà dans l'univers scolaire avec les ASSR 1 et 2, les fameuses attestations scolaires de sécurité routière déjà impliquées dans le processus d'obtention du permis de conduite auto ou du BSR (Permis AM, pour les cyclos de 50 cm³), elles sont indispensables pour l'inscription à l'auto-école. il faut bien avouer que ces attestations scolaires ont tout du machin inutile et se résument à 20 questions ultra faciles pour ne pas dire carrément idiotes. Ces attestations scolaires de sécurité routière sont tellement de la foutaise que certains formateurs ayant une véritable vocation de sécurité routière refusent de faire passer le BSR afin de ne pas prendre le risque de mettre des jeunes de 14 ans sur la route sans formation théorique. En fait, l'idée originale des ASSR tenait la route, mais leur concrétisation a été tellement tempérée par des difficultés de formation des enseignants et de mise à jour des connaissances qu'elles sont devenues rapidement des coquilles vides de sens et de contenu.
Petit code, petite conduite
L'apprentissage du code de la route est très important et sous-estimé par le public. Pour les formateurs à la conduite il existe une petite phrase révélatrice de son importance : « petit code petite conduite ». Le constat est simple: pour bien conduire, il faut avant tout parfaitement maîtriser les règles de conduite. Déconnecter la théorie de la pratique, et surtout de l'expérience de l'apprentissage, présente le risque de faire un code encore moins en contact avec la réalité et avec la conduite au quotidien. L'exemple de la priorité à droite est sur ce point une caricature, car cette règle pourtant essentielle est généralement maîtrisée non pas après l'examen du code, mais après quelques heures de pratique. En éloignant et séparant formation théorique et pratique, le permis pourrait être encore plus cher en imposant finalement plus d'heures de conduite pour en maîtriser les règles, surtout que les auto-écoles pourraient être tentées logiquement de se « payer » sur la bête.
La motivation des élèves, une nouvelle donnée très variable
Parmi les nombreuses difficultés à obtenir le permis de conduire chez les jeunes, il y a un point très important connu des formateurs, c'est la motivation. Le phénomène nouveau est que la jeunesse d'aujourd'hui perçoit le permis comme une contrainte et non plus comme l'espace de liberté qui motivait les générations précédentes. Ce phénomène est logique dans une société française autophobe, les formateurs à la conduite ont bien compris le lien qui existe entre argent, motivation et apprentissage du Code de la route. (Nous avons déjà évoqué ce problème dans nos articles). Son transfert de l'auto-école à l'école ne changera en rien ce problème et imaginer une forme de promotion pour la conduite est un argument irrecevable qui ne résiste pas à la réalité de l'apprentissage de la conduite en 2012. De plus, il n'est pas certain que délégitimer encore plus les auto-écoles soit la meilleures des solutions en matière de sécurité sur la route, ce n'est sans doute pas la priorité.
Public/privé/public
Enfin cette idée de nationaliser le Code de la route illustre bien la guerre qui existe entre les secteurs public et privé pour l'apprentissage de la conduite, et qui est une véritable originalité en Europe. En résumé, l'administration publique légifère et encadre l'apprentissage de la conduite en France, délègue la mission au secteur privé tout en gardant la mainmise sur la délivrance finale des permis et des examens du code. L'auto-école en France est finalement un peu comme une société de vente par correspondance avec une grève des postes permanente. Car si on veut vraiment réduire le coût d'un permis, il faut d'abord donner la possibilité aux élèves de passer le permis, ce qui revient à dire globalement qu'il faut privatiser les examens, l'administration ayant démontré son incapacité à gérer ce problème. En réglant la carence des places d'examen du permis et en dépoussiérant le contenu du Code, il y a tout à parier que l'apprentissage à l'école des règles de conduite tomberait aux oubliettes. Juste pour l'anecdote, le Conseil Général de Poitou-Charentes est l'une des dernières régions qui taxe encore la délivrance des permis de conduire en France, alors qu'elle est pratiquement gratuite partout ailleurs !